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Article Publication logo février 1, 2021

Barrage hydroélectrique de Lom Pangar: Les populations prises au piège du changement brutal de leur mode de vie

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A wooden boat on a river in Cameroon.
Anglais

This project follows the people of a locality called Deng Deng in the district of Belabo, department...

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A man and his son fishing with a pirogue in the Wouri river, near the port of Douala. Image by Sidoine Mbogni/Shutterstock. Cameroon, 2019.
A man and his son fishing with a pirogue in the Wouri river, near the port of Douala. Image by Sidoine Mbogni/Shutterstock. Cameroon, 2019.

«Edc nous a nourri d’espoir en nous promettant qu’après la mise en eau du barrage, nous aurons sérieusement  du poisson, et  à vil prix. Mais quand nous partons au débarcadère, c’est à peine si les pêcheurs nous regardent.» 

Ces propos de Faroukou Kombo cultivateur dans le canton Képéré Deng Deng, village environnant du barrage hydro électrique de Lom Pangar, traduisent l’inquiétude et la déception des populations face aux difficultés qu’elles éprouvent pour s’approvisionner en poisson.

Depuis l’avènement en 2012 du barrage et du lac  de retenue de 540 Kilomètres carré de superficie qui en a résulté, l’accès au poisson est devenu un véritable chemin de croix pour les consommateurs locaux. Habitués des pêches dans les rivières, leur technique n’est pas adaptée pour les étendues plus profondes qu’ils considèrent  d’ailleurs comme la mer.

«Les petits cours d’eau  où les femmes pêchaient souvent pendant la  saison sèche, tout est englouti par le lac là bas à Ouami ; c’est déjà comme la mer nous ne connaissons pas pêcher dans la mer. » se lamente Jacqueline Assounga, tenancière d’un restaurant à Deng Deng.

L’activité de pêche dans le lac de Lom Pangar est essentiellement tenue par les pêcheurs  venus du Nord du Cameroun : les Massa, les Mousgoum, et les  Kotoko ; ils sont plus aguerris   aux techniques de pêche dans les lacs de retenue. A ces groupes il faut ajouter des étrangers : Tchadiens Maliens et Nigérians, ils vivent tous dans des campements de pêcheurs qui entourent le lac.

Selon nos investigations ces pêcheurs sont au service des financiers installés  dans les grandes villes du pays. Ce sont eux qui contrôlent toute la chaîne de production. Ils achètent des pirogues des moteurs, des filets  et bien d’autres matériels qu’ils mettent à la disposition des pêcheurs, et c’est à eux qu’est destiné en priorité tout le poisson pêché dans le lac. Conséquence, les prix au débarcadère de Ouami sont hors de porté des populations locales qui plus est, doivent monnayer les services d’un démarcheur pour avoir accès au produit.

« Ce lac est conditionné, nous lance Dieudonné Mekoudou 2ème notable du village, quand vous arrivez  au bord seuls les grossistes sont servis; nous qui venons pour la consommation domestique, personne ne s’occupe de nous. Parfois on nous chiffonne ». Poursuit le notable.

Une situation qui plonge davantage les habitants de Képéré Deng Deng dans la pauvreté.

« Regardez comment le village est vide, même les petites filles qui se débrouillaient à vendre le poisson au bord de la route sont découragées, aujourd’hui quand vous arrivez ici à Deng Deng la faim va vous tuer. On misère ici ; et c’est pourtant  cette activité qui permettait à ces petites filles d’envoyer leurs enfants à l’école. Tu achètes trois petits poisson à 1100f c’est pour avoir quel bénéfice, on souffre ! » Nous lance en colère Jacqueline Assounga.

Comme le poisson, la viande de gibier qui enrichissait l’alimentation des populations en protéine animales n’existe plus. Avec la création du parc national de Deng Deng en 2010, la chasse est désormais interdite ; tous ceux qui en avaient fait leur gagne pain quotidien sont eux aussi au chômage ; ces derniers peinent aujourd’hui à payer la scolarité de leurs enfants. 

« Même les deux directeurs se plaignent : jusqu’à présent (Ndlr 14 janvier 2021) les parents n’ont pas encore payé l’écolage des enfants pourquoi parce qu’ils étaient tous des pêcheurs et des chasseurs» souligne Jacqueline Assounga avant de poursuivre. « On avait applaudi quand on nous a annoncé la création du Parc. Maintenant le Parc est venu nous tuer ! on n a pas de viande. Les gens d’ici  nous sommes des carnivores, on ne mage que la viande ; nous,  on ne consomme pas les légumes »

Plus de 6 millions de tonnes de CO2 émises

Aux problèmes sociaux, est venu s’ajouter l’impact environnemental. La zone d’influence du projet du   barrage hydro électrique de Lom Pangar connait une forte augmentation de la température moyenne depuis 2012. Selon l’atlas forestier du Cameroun plus de 6 millions de tonnes de gaz carbonique (CO2) dont 3 millions environ  dues à la déforestation ont été émise dans la zone entre 2010 et 2018.

Cette intrusion atmosphérique a sans doute joué un rôle prépondérant sur l’élévation des températures moyennes et sur l’irrégularité des saisons pluvieuses. A en croire la population les pluies sont plus précoces  depuis la mise eau du barrage en 2016 et la chaleur de plus en plus forte.

« Ce qui perturbe le calendrier agricole  dans toute la cuvette du barrage » nous fait savoir Cyrille Ngodja , un jeune cultivateur du village Képéré Deng Deng.


Ebénizer DIKI de retour de Deng Deng avec l’appui de Rainforest Journalisme Fund et le Centre Pulitzer.