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Article Publication logo février 6, 2023

Congo-Brazzaville: Trouver D’autres Solutions À L’agriculture Sur Brûlis Dans La Forêt Du Mayombe

Auteur:
An aerial shot of a tropical mountain range in the Congo Basin.
Anglais

The risks of disappearance incurred by the Mayombe forest massif due to uncontrolled...

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La forêt du Mayombe. Image par jbdodane/Farm Radio FM. Congo-Brazzaville, 2022.

Nouvelle en bref

La forêt du Mayombe est une partie importante du bassin du Congo, un des principaux poumons écologiques du monde. Mais la forêt se dégrade peu à peu à cause des feux allumés par les agriculteurs et les agricultrices. Chimène Mahanga cultive dans le village voisin de Kissila. Elle déclare : « Non, nous ne sommes pas des pyromanes. Quel plaisir trouverait-on à brûler la forêt? Comme vous l’avez déjà constaté, ces feux n’apparaissent qu’entre le mois d’août et le mois d’octobre. Après le défrichage et l’abattage, nous procédons au brulage de ces herbes mortes et de ces arbres abattus. Donc, c’est pour rendre le sol davantage fertile. » Cela fait des siècles, voire des millénaires, qu’on pratique l’agriculture sur brûlis au Mayombe, comme dans beaucoup de forêts tropicales. Mais, actuellement, la pression démographique rend cette pratique beaucoup plus dangereuse. L’organisation Meeting for Peace and Human Rights sensibilise les agriculteurs et les agricultrices à l’effet destructeur de l’agriculture sur brûlis sur la forêt du Mayombe. D’autres organisations locales œuvrent en vue d’offrir au secteur agricole des solutions de rechange à l’agriculture sur brûlis, y compris l’apprentissage de techniques pour cultiver à l’ombre des arbres.


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La forêt du Mayombe joue un rôle important dans le bassin du Congo, l’un des principaux poumons écologiques du monde. Mais cette forêt est détruite petit à petit. D’épaisses colonnes de fumées et de flammes consument les arbres et le ciel. Et les agriculteurs et les agricultrices de la région affirment qu’il existe une raison à cela.

Chimène Mahanga est un agriculteur du village voisin de Kissila. Elle déclare : « Non, nous ne sommes pas des pyromanes. Quel plaisir trouverait-on à brûler la forêt? Comme vous l’avez déjà constaté, ces feux n’apparaissent qu’entre le mois d’août et le mois d’octobre. Après le défrichage et l’abattage, nous procédons au brulage de ces herbes mortes et de ces arbres abattus. Donc, c’est pour rendre le sol davantage fertile. »

Il a raison. Après l’extinction des feux, le sol est recouvert de cendres contenant des sels minéraux qui favorisent une bonne croissance des cultures telles que le manioc, la banane, le taro et l’igname.

Pourtant, la pratique semble être aux antipodes des opinions concernant la durabilité. Après la récolte, le sol doit être laissé en jachère et le paysan doit exploiter une autre parcelle de forêt. Dans le cas du manioc, la période de jachère dure environ une année. Il faut plus d’une décennie pour que le sol redevienne fertile et près d’un quart de siècle pour que la forêt dense se reconstitue.

Comme dans la majeure partie des régions tropicales, cela fait des siècles, voire des millénaires, que l’agriculture sur brûlis est pratiquée dans le Mayombe, à l’instar de la majorité des forêts tropicales. Mais, de nos jours, la pression démographique rend cette pratique de plus en plus néfaste.

Michel Ngoma est un agriculteur de Doumanga. Il déclare : « En faisant de très petites exploitations, destinées à l’autoconsommation, c’était la manière à nous d’exploitation notre forêt de manière durable. Or, ces derniers temps, beaucoup de personnes venues d’autres localités sont arrivées dans le Mayombe. Et ils exploitent de très vastes étendues. Une personne peut avoir à elle seule plus de 50 hectares. »

Depuis la mise en service en 2011 de la RN1 reliant Pointe-Noire à Brazzaville, l’agriculture semble s’être intensifiée dans le Mayombe.

C’est une situation qui inquiète monsieur Ngoma. Il déclare : « À cette allure, nous risquons de manquer de terre un jour. »

Fabrice Séverin Kimpoutou est attaché à la recherche auprès de l’organisation Recherche pour la paix et les droits de l’homme, ou RPDH. Il est du même avis que monsieur Ngoma. Monsieur Kimpoutou déclare : « Prenons l’exemple de Mossendjo [Note de la rédaction : Une région située au sud-ouest du Congo]. Tout autour, il y avait la forêt dense. Mais du fait de l’augmentation de la population, l’agriculture sur brûlis s’est intensifiée. Et la forêt dense n’existe plus aujourd’hui l. Au grand dam des paysans qui sont parfois obligés d’émigrer dans d’autres localités, à la recherche de terres fertiles. » Et pour éviter que la forêt du Mayombe subisse le même sort, l’ONG Recherche pour la paix et les droits de l’homme fait de la sensibilisation auprès des agriculteurs et des agricultrices.

Certains riverains se disent conscients des dangers de l’agriculture sur brûlis.

Pascal Lebanda vit à Doumanga et possède un verger où on trouve des avocatiers, des manguiers, des agrumes, ainsi que des ananas.

Il déclare: « Comme vous le constatez, nous ne pratiquons pas l’agriculture sur brûlis. Nous procédons juste au défrichage. Une fois le défrichage fini, nous laissons pourrir l’herbe. Cela fournit de l’aliment aux plantes. »

Mais il note que cette approche n’est pas aussi efficace pour les personnes qui produisent d’autres cultures. Il déclare : « Il est difficile d’étendre ces pratiques dans le Mayombe, car ici, les gens misent beaucoup plus sur le manioc dont la récolte est plus rapide que les arbres fruitiers. »

Pour répondre aux besoins de ces agriculteurs et ces agricultrices, l’ONG Recherche pour la paix et les droits de l’homme entend recourir à des spécialistes pour des formations. Monsieur Kimpoutou déclare : « Nous nous attacherons les services d’experts en agronomie par exemple pour leur administrer des formations qu’il faut pour s’approprier d’autres techniques culturales durables. »

En attendant ces formations, d’autres ONG réfléchissent déjà à des solutions de rechange. Crépin Télinganou est diplômé en agriculture tropicale et il est le président fondateur du Réseau national agropastoral et de l’environnement. Il déclare : « On peut cultiver dans une forêt sans brûler ni abattre les arbres. C’est le cas du caféier et du cacaoyer qui peuvent croître et germer sous l’ombre d’autres arbres. Par contre, le manioc qui est l’aliment de base au Congo ne peut pas pousser à l’ombre des arbres. »

Mais, il ajoute : « C’est dans la savane qu’on peut facilement pratiquer l’agriculture sans brûlage. Dans la savane, après défrichage, on laboure en enfouissant de l’herbe dans le sol et … on y cultive des cultures comme le manioc et l’igname. Quant à des cultures comme l’arachide, on laboure et on sème. »

Selon monsieur Télinganou, d’autres méthodes culturales sont nécessaires pour sauvegarder la forêt du Mayombe et pourvoir aux besoins des agriculteurs et des agricultrices. Il ajoute : « Il faut des séances d’éducation, de sensibilisation et de formation pour les paysans du Mayombe, pour que ces derniers réduisent ou stoppent le recours à l’agriculture itinérante sur brûlis. »