Au Congo Brazzaville, le département de la Sangha à plus de 800 kilomètres au nord de Brazzaville est devenu un eldorado des sociétés d’exploitation minière (chinoises) depuis 10 ans. Cette ruée vers l’orpaillage met à rude épreuve l’application du code minier et le droit des communautés avec pour conséquences la détérioration du couvert forestier et des cours d’eau, accaparement des terres des populations autochtones des villages environnants.
« Nous n’avons plus de ruisseaux où prendre l’eau à boire. Ces sociétés chinoises utilisent le mercure pour l’extraction de l’or et aucune mesure n’a été prise pour la survie des habitants de nos villages. Les communautés sont obligées de parcourir cinq à six kilomètres en forêt pour avoir de l’eau à boire », lâche d’un ton désespéré Michel Dogom, chef de village de Zoulabouth.
Zoulabouth fait partie des villages de l’interzone des forêts de Zoulabouth-Pounga et Paris village dans le district de Mokelo, situé à 65 kilomètres de Ouesso, chef-lieu de département de la Sangha, où près de 2000 âmes vivent le martyr dû à l’exploitation minière non maîtrisée. A la vérité, c’est le gouvernement congolais via le ministère des mines qui octroie des permis d’exploitation minière à des sociétés chinoises. C’est ce qui justifie la ruée de celles-ci au département de la Sangha, occasionnant dans cette partie septentrionale du Congo la dégradation croissante des forêts, des sols et des rivières ces dernières années.
Pour le chef de village de Zoulabouth, cette ruée des sociétés minières l’étonne sur la manière d’acquisition des permis. Sinon comment justifier sur l’axe Zoulabouth-Pounga à environ 52 km, sont implantées des sociétés Zingo Pétrole, Super Galerie Business, Global négoce et Distribution terminale attributaire des titres miniers alluvionnaires, certains avec des simples autorisations de prospection, constate-t-on. Ce qu’il déplore aussi est que dans cette même zone, des communautés locales et populations autochtones sont victimes d’accaparement de leurs terres traditionnelles et la destruction de leurs sites ancestraux dans lesquels se trouvaient les arbres fruitiers (manguiers, Safoutiers, avocatiers…).
Selon lui, «nous ne sommes pas contre l’exploitation comme telle, mais contre la manière de faire de ces sociétés. Nos deux grandes rivières Pandama et Moungué qui arrosent nos villages sont polluées et détruites complètement, de même là où jadis, on partait faire la chasse a été rasé et cela devient une clairière», fait-il savoir. Michel qui est à la tête de son village depuis plus de 25 ans, pense plutôt que l’article 50 du code minier à son alinéa 11 n’est pas respecté, «(…) une étude d’impact sur l’environnement incluant un programme de protection de l’environnement et un schéma de réhabilitation des sites», n’est pas exécuté, ainsi il interpelle les pouvoirs publics pour un bon suivi d’impact environnemental.
Le non-respect des accords
A côté du non-respect de l’étude de l’impact environnemental, «nous avions des accords avec ses sociétés qui jusque-là ils n’ont pas respecté. Il était prévu qu’ils nous dotent des tôles, implantent des forages d’eau, puisqu’ils ont gaspillé nos rivières, doter le dispensaire, des produits pharmaceutiques», fait-il savoir, avant d’avancer, «au mois de février et mars 2020 dernier, tout le village a souffert de la diarrhée et des vomissements, causé par des eaux stagnées que nous buvions». Par contre, ce lien direct avec la pollution des eaux et ces maux n’a pas été approuvé par la cheffe du centre de santé intégré de Zoulabouth.
Dans la quête de solutions à leur situation, en juillet 2019, une délégation composée des représentants du Conseil départemental, de la préfecture et des villages Zoulabouth-Pounga et Paris-village ont séjourné à Brazzaville et rencontré le directeur général des mines et de la géologie afin que ce dernier interpelle les exploitants d’or qui « détruisent l’environnement ». Neuf (09) mois après cette rencontre, c’est le statut quo, aucune décision n’a été prise dans les zones d’exploitation.
Une situation qui permet à Dani Bamana, la trentaine à peine, orpailleur artisanal autochtone, d’inviter ses pairs à une « exploitation écologique », «(…) en principe on ne devrait pas utiliser des produits chimiques pour le nettoyer comme nous les artisanaux faisons, lorsque nous travaillons, on ne détruit pas trop l’environnement. On ne creuse pas des gros trous, dès qu’on finit on remet le sol en état afin que les cours d’eau reprennent son lit habituel», confie-t-il avant de poursuivre, «en ce qui est des sociétés chinoises qui exploitent de l’or dans les forêts de Zoulabouth, nous déplorons le fait qu’ils détruisent même l’environnement. Dans ces milieux, même les orpailleurs artisanaux ne pourront plus travailler ». Ici, tout échappe au contrôle des autorités administratives, «nous ne payons pas des taxes, sauf quelques cotisations que nous faisons si cela est nécessaire…», confie-t-il tout souriant.
La loi des « chinois noirs »
Le Congo avec les autres pays du bassin du Congo qui ont pris des engagements forts en faveur d’une meilleure gouvernance forestière et climatique, peine à faire respecter son code minier. Cette gouvernance est confrontée à des violations de sa législation qu’elle soit forestière ou minière, à une corruption généralisée ainsi qu’à la fragilité des institutions. La loi n°4-2005 du 11 avril 2005 portant code minier dispose en son article 101 alinéas 6 que, « le bénéficiaire d’une convention minière s’engage à préparer et soumettre à l’autorité administrative des mines pour approbation et dans les formes établies par les textes en vigueur : Une étude d’impact sur l’environnement telles que prévue par la législation et la réglementation en vigueur indiquant l’étendue des pollutions et des nuisances susceptibles de résulter des travaux de recherche et d’exploitation des subsistances minérales ou fossiles ; Un plan environnemental d’aménagement indiquant toutes les mesures d’atténuation à prendre pour minimiser ou éliminer les nuisances et pollutions ; Un plan de réhabilitation des sols ».
Or ce qui se fait sur le terrain laisse croire que les entreprises minières outragent les dispositions légales et réglementaires sous la complicité des autorités locales dans la mesure où elles ne remplissent pas toutes les exigences requises.
Pour Michel Dogom, chef du village de Zoulabouth, «si les autorités n’arrivent pas à sanctionner ses chinois qui saccagent nos forêts et détruisent nos rivières, on se dit qu’il y a d’autres ‘’chinois à la peau noire’’ (une allégorie faite à certains dignitaires du pouvoir) derrière eux, sinon ils n’allaient pas fouler aux pieds les droits des communautés», a-t-il fait savoir.
L’Etat défaillant!
Ce manque de suivi sur l’impact environnemental fait que récemment, le 9 mars 2020, au village Batapoumpa dans la sous-préfecture de Souanké, à plus de 70 km de Zoulabouth, le Brigadier-chef Guira Madjo puisse perdre son enfant, Guira Christian, âgé de 19 ans tombé dans un trou laissé par une société minière d’une dame chinoise très influente dans le département.
A ce jour, l’affaire est au niveau du Tribunal de grande instance de Souanké. Cette société exploite de l’or à 50m des habitations sous la bénédiction des pouvoirs publics locaux au détriment de la population. «Elle a décliné sa responsabilité soi-disant que l’enfant était majeur et il n’allait pas s’aventurier vers des trous derrière les maisons laissées par la société», lâche d’un ton désespéré le brigadier-chef.
A entendre les communautés, « la passivité et la complaisance des administrations déconcentrées et de l’Etat en général sur la gestion des ressources naturelles, notamment l’exploitation des minerais », occasionnent l’exploitation sauvage n’obéissant pas aux règles de l’art. Les communautés locales et autochtones sont mêmes privées des ressources naturelles locales pour leurs besoins alimentaires, leurs pharmacopées et autres, de mêmes des ressources financières qui devraient participer à la diversification de l’économie congolaise échappent au trésor public.
Notons qu’après le pétrole et le bois qui sont les deux premières sources de revenue de l’économie congolaise, l’activité aurifère et bien d’autres mines solides attirent de plus en plus d’investisseurs et exploitants de tout bord, ce qui fait qu’aujourd’hui la couverture forestière qui représente 65% de la végétation congolaise prend un coup suite au déploiement de ces dits exploitants.
Selon une étude sur la « Cartographie du couvert forestier et des changements en république du Congo 2014 à 2016 » menée par la plateforme de suivi des forêts sur «TerraMayombe », publié le 25 juillet 2019, révèle, entre 2014 et 2016, que la forêt congolaise a perdu plus de trente mille hectares de sa superficie, soit une perte annuelle de quinze mille hectares. Si on n’y prend garde et avec la ruée des sociétés minières chinoises «nous connaitrons davantage de catastrophes environnementales et écologiques».