Le manque de traçabilité et de transparence sur l’origine de la viande qui finit dans les supermarchés colombiens rend pratiquement impossible de certifier qu’elle provient d’un bétail qui ne participe pas à la déforestation de l’Amazonie, assure le site d’investigation “360 Grados”.
Dans les supermarchés colombiens, on trouve de plus en plus de viande certifiée "zero deforestation". Des produits pour lesquels les consommateurs sont prêts à payer plus cher afin de s'assurer qu'ils ne participent pas au déboisement de l'Amazonie. Mais, rappelle une enquête du site d'investigation 360 Grados, "il n'existe pas de systèmes indépendants de traçabilité et de contrôle pour garantir au consommateur que le produit portant un label environnemental n'affecte pas les forêts":
“Il s'agit pour l’instant plus de marketing que de réalité."
Dans le rayon boucherie des magasins Éxito, qui appartiennent au géant français Casino, “de nombreuses étiquettes mettent en avant les viandes en provenance de fermes engagées pour la conservation des forêts”.
Et c'est une stratégie efficace, puisque, d'après un rapport de l'entreprise de 2022, cette chaÎne de supermarchés - la plus grande de Colombie - assure avoir connu "une croissance de 173 % en ce qui concerne /les ventes des produits de [la marque] Pomona Ganadería Sostenible [élevage durable] dans 188 magasins".
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Mais cette tactique, également employée par d'autres entreprises, est vouée à l'échec, avertit 360 Grados: "Contrairement à d'autres pays, où la vache naît et meurt au même endroit, en Colombie, elle passe par différentes exploitations, en fonction de la spécialité de chaque éleveur, jusqu'à ce qu'elle arrive entre les mains de l'acheteur qui l'emmène à l'abattoir."
La vache peut donc naître dans une ferme quelconque, puis paître pendant plusieurs années en Amazonie, avant d'être ramenée à un établissement où elle sera légalement vendue.
Les promesses non tenues des gouvernements
Entre 2001 et 2021, la Colombie a perdu plus de trois millions d'hectares de forêt, soit l'équivalent de la superficie d'un pays comme la Belgique, dont plus de la moitié dans la forêt amazonienne, selon le ministère de l'Environnement.
Et l'élevage de bétail en est l'une des causes principales, puisque les éleveurs rasent les forêts pour permettre aux bêtes de paître, d'après la Fondation pour la conservation et le développement durable. Même des labels comme Ganso (contraction de "ganadería sostenible”, "élevage durable"), qui certifie les produits, précisent qu'ils ne peuvent pas assurer le traçage complet de l'origine des bêtes. D'autant plus lorsque le bétail n'est pas acheté entier, mais en morceaux, "plus difficiles à contrôler''.
Et, s'il existe en Europe plusieurs outils pour le suivi des produits qui obligent les compagnies importatrices à démontrer que leurs produits ne proviennent pas de zones déboisées, c'est loin d'être le cas en Colombie, où les gouvernements successifs ne cessent de faire des promesses qui n'aboutissent à rien. Les entreprises, "au-delà de leurs bonnes intentions”, sont encore loin de pouvoir garantir l'origine des produits "libres de déforestation''.
Une limite qu'il faudra bien dépasser un jour, car "les consommateurs veulent savoir la façon dont est produit et d'où vient ce qu'ils mangent”, assure 360 Grados."