À MBILA, dans le district de Komono (département de la Lékoumou) à plus de 400km au sud-est du Congo Brazzaville, les communautés locales et populations autochtones (CLPA) ont du mal à départir avec les sociétés forestières et agroindustrielles. Ces communautés sont victimes de non-respect de clauses prises lors des projets de développement sur l’utilisation de leur terre.
« Dans notre village la première société qui était venue, c’est la société Lexus, malheureusement elle n’avait pas contacté les propriétaires terriens. Elle était venue sans notre consentement, rentrer dans la forêt sans informer les terriens de la contrée comme si nous étions au temps du monopartisme. Lorsque nous essayons de se rapprocher de la hiérarchie de cette dernière, elle avance qu’elle paye leurs droits à l’Etat congolais… », lâche d’un ton courroucé Joseph Mbou, propriétaire terrien du village Mbila.
Comme Joseph, dans ce village du district de Komono, de près de 621 habitants bon nombre des propriétaires terriens, issus de trois clans, sont victimes de violation des clauses arrêtés avec certaines sociétés d’exploitation forestières et d’agroindustrielles dans leur village concernant les terres. Aujourd’hui, ses communautés locales et populations autochtones (CLPA) sont dépossédés de leurs terres ce qui impacte ainsi leurs activités de subsistance et surtout la gestion de leur forêt et terre ancestrale.
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Deux sociétés indexées
Dans cette partie du département de la Lékoumou, deux sociétés sont indexées : Lexus Agric Sarl, une société à capitaux Malaisiens de la filiale Atama Plantation Sarl (APS) et la société Hévéa et Caoutchouc du Congo (HEVECO), une société Belge spécialisée dans l’hévéaculture et la production du caoutchouc.
Pour les communautés, l’acquisitions des terres par ces sociétés pour leurs activités agricoles n’a pas obéit à la tradition de la contrée. « Quand HEVECO est arrivée en 2014, elle avait rencontré des terriens et leur avait acheté du vin et solliciter s’ils pouvaient travailler chez nous. Nous leur avons demandé de travailler d’abord et le reste on verra par la suite. Maintenant qu’elle s’est implantée, elle ne veut plus voir les propriétaires terriens. Nous sommes allées réclamer, mais les autorités de cette société nous font comprendre qu’on n’a pas des documents justifiant que ces terres nous appartiennent », explique Joseph Mbou.
En juillet 2013 la société Lexus Agric était attributaire de 50000 hectares des forêts (dont 25000 ha devraient être consacrés au palmier à huile et 25000 ha à l’hévéa) dans la zone de KOMONO et de MBILA pour une durée de 25 ans, soit un investissement de l’ordre de 250 milliards de francs CFA soit 500 millions de dollars.
En 2015 Lexus bénéficiait d’une autorisation de déboisement de l’économie forestière pour lui permettre de réaliser le déboisement afin de mettre en place des plantations d’Hévéa. Malgré cette autorisation de déboisement « elle s’est lancée dans l’accaparement des terres des communautés locales et populations autochtones interdisant cette couche de la population congolaise de pénétrer dans la concession sans autorisation ».
Peu de jeunes embauchés
Pour Hubert Moukana, président du village de Mbila, « quand Lexus est arrivée, il a fait comprendre aux gens qu’il devrait planter les palmiers, l’hévéa. Après un temps, les gens ont compris que ce n’était pas cela, mais c’était réellement de l’exploitation forestière pure et simple. Cela a causé des problèmes avec les populations parce qu’ils ne reconnaissaient jamais les terriens, mais aussi ces derniers n’avaient jamais gagné quelques choses », fait savoir le chef du village de Mbila.
Dans ce village, « la société Heveco a embauché quelques jeunes du village, mais eux aussi n’ont jamais vu les propriétaires terriens. Ils ont le même discours « nous payons nos droits, s’il faut revendiquer il faut le faire à l’endroit de l’Etat. Aujourd’hui, ils sont à prêt de 800 ha plantés. Il n’y a même pas deux mois nous étions partis voir les autorités administratives à Sibiti, elles nous ont dit que vous n’avez plus rien à faire parce que Heveco paye ses droits à l’Etat, sinon il faut avoir un titre foncier », fait constater avec amertume le chef du village, avant de poursuivre, « Hier nos grands-parents n’avaient pas de titre foncier, pourquoi pas nous aujourd’hui ? face à cette situation nous ne sommes pas tranquilles. Jadis les terriens devraient jeter un mauvais sort à ses sociétés, aujourd’hui ses pratiques sont révolues ».
La reconnaissance des terres ?
La Loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrains en son article 8 reconnait que « pour jouir des terres coutumières, leurs détenteurs doivent, au préalable, les faire reconnaître par l’Etat. La reconnaissance des terres coutumières est prononcée par arrêté du ministre en charge des affaires foncières sur la base du procès-verbal de la commission nationale de reconnaissance des terres coutumières. L’arrêté de reconnaissance des terres coutumières, assorti d’un plan de délimitation des terres reconnues, consacre leur origine coutumière, détermine leurs détenteurs et vaut autorisation d’immatriculation obligatoire de ces terres, sans préjudice des documents de planification, notamment, le plan de développement et d’aménagement, les plans d’affectation des terres et le plan d’urbanisme ».
De son côté Kaboulou Missié Humbert Yves, Directeur Départemental des Affaires Foncières, Cadastre et de la Topographie de la Lékoumou tempère, « nous avons suggéré de refaire la cartographie parce que Heveco était vraiment en contradiction avec les populations. Elle ne voulait pas que les populations fassent les champs alors qu’elles se nourrissent que de l’agriculture. Heveco nous a fait comprendre qu’elle devrait remonter l’information au niveau du ministère afin que le ministère regarde la question et refait la cartographie. Cela date de 2022 et jusqu’aujourd’hui nous attendons la suite », fait constater le DD des affaires foncières et du cadastre de la Lékoumou, avant de poursuivre, « On avait retiré le contrat à Lexus parce qu’elle n’avait pas respecter le contrat qu’elle avait avec l’Etat congolais. Je suis dans un département très complexe, bourré des unités d’exploitations forestières alors qu’avant que la forêt puisse gagner certaines zones il existait des villages, où les gens étaient propriétaires. À ce jour la procédure de reconnaissance des terres coutumières pose problème même lorsqu’on veut organiser la procédure on dit que, c’est dans une unité d’exploitation forestière. J’avais même suggéré à mon collègue DD de l’économie forestière de faire la mise à jour de ses UEF », a-t-il fait savoir.