An English summary of this report is below. The original report, published in French in Sciences Watch Infos follows.
In southern Cameroon, the villages of Meyos III and Avébé face turmoil as RubberCam, a rubber-producing company, encroaches upon their ancestral lands. The company's exploitation of the forests has devastated the villagers' traditional way of life. Resources vital for sustenance and medicinal remedies—once readily available from the forests—are now scarce commodities. Moabi cultivation, a significant source of income, has been decimated, exacerbating financial hardships for the locals.
RubberCam violates land and forestry regulations, disregarding the well-being of these communities. Despite promises of compensation and legal oversight, the affected villagers strive for justice and the restoration of their rights. Their struggle extends beyond seeking compensation for the exploitation; it resonates with broader concerns about climate commitments and the preservation of the UNESCO World Heritage site status of the Dja Reserve in the region, underscoring the pivotal role these forests play in local livelihoods and global environmental balance.
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Sud Cameroun : sur les traces d’une exploitation clandestine de plus de 1000 hectares de forêt
Des ressortissants des villages Avébé et Meyos III disent avoir dénombré une cinquantaine de grumiers transportant le bois coupé sur leurs terres par Rubbercam, arrivée comme entreprise de chasse sportive sous le nom de Ndjilla Safari, en 2016.
«Nous voulons nos terres et notre forêt ». Message des fils et filles de Mayos III, un village situé à environ 300 km de Yaoundé au sud Cameroun. Ils ont observé le 14 novembre dernier, un mouvement de revendications obligeant, par les barrières érigées à l’entrée des plantations, l’entreprise RubberCam, productrice d’hévéa, à l’origine, disent-ils, de leur situation désormais précaire et vulnérable, à envoyer ses ouvriers en congé technique.
A Meyos III, comme à Avébé, village voisin, il est devenu difficile de trouver des écorces, des herbes ou des racines pour se soigner, selon des témoignages des habitants rencontrés sur place. « A notre époque, nous soulagions beaucoup de maladies à partir des écorces, des feuilles et des racines que nous prenions derrière nos maisons dans la forêt. Ce n’est plus le cas. Nous n’avons plus accès à notre forêt. Même ceux qui peuvent aller se ravitailler un peu loin, RuberCam ne leur en laisse pas la possibilité », se plaint Joséphine Minkoé.
« Ndjilla Safari/RuberCam ne nous a rien demandé, ils sont entrés en forêt avec des matelas. Ils ont coupé tout le bois de notre forêt, ils le chargeaient dans des camions munis de longs plateaux derrière pour le vendre dans les grandes villes sans nous reverser le moindre sou. Les mangues sauvages, le petit gibier, les lianes, le moabi et autres qui nous aidaient financièrement ont tous disparu », se lamente Célestin Oleme Assembe, fils du village. A 65 ans, affirme-t-il, il a été habitué, dès sa tendre enfance à tirer les ressources pour sa survie et celle de sa famille de la forêt.
Pareil pour Jean Assembe Assembe« Nous n’avons plus où tendre nos pièges pour capturer le petit gibier. Ils ont pris les trois quarts de notre forêt. Et là où ils se sont installés, nous ne pouvons pas accéder au reste de la forêt pour une quelconque activité que s’ils l’acceptent puisque nous devons franchir leurs barrières. C’est une prison dans laquelle ils nous ont enfermés. Ils ont détruit les plantations de moabi que nous avons créées. Nous n’avons plus moyen de produire l’huile de ce produits forestier non-ligneux qui était une grande source d’argent. » En fait, cette huile très prisée pour ses vertus nutritionnelles et thérapeutiques est une denrée de rente au même titre que le cacao ou le café pour les habitants des zones forestière.
Des pleurs, plaintes, lamentations et même craintes qui se multiplient dans les villages Avébé et Meyos III où les habitants (bantou et autochtones) ont vu leur riche forêt disparaître avec l’installation de l’entreprise Ndjilla Safari/Rubbercam. Une entreprise de chasse sportive basée à Garoua, dans le nord, BP : 1441, détentrice d’un titre de chasse dans la zone N° 47 dite Ayina dont ne fait pas partie les villages susmentionnés. Son promoteur a , en 2016, approché l’autorité traditionnelle d’Avébé pour solliciter un espace pour son campement. « Il avait vu la richesse de notre forêt et est venu nous tromper qu’il va nous développer en nous offrant des infrastructures de rêve dont un héliport », tranche Franklin Zo’o Zo’o, jeune d’Avébé. Dans ces deux villages, comme dans d’autres peuples riverains c’est dans la forêt que sont prélevées les ressources alimentaires, médicinales, culturelles, cultuelles, etc.
Pour des observateurs, dans la démarche du Français Pascal Gérard, promoteur du projet RubberCam, sont relevés des entorses à la règlementation foncière (code de 1974 et ses textes d’accompagnement) et forestières (loi de 1994). Les victimes et les échanges de courrier révèle qu’avant même l’accord de l’autorité administrative locale et le règlement des malentendus nés de l’irruption de l’entreprise dans le coin, et malgré la suspension de ses activités par le préfet du Dja et Lobo de l’époque pour les mêmes raisons, le bois a été coupé sur une superficie de 1000 hectares de forêt. Lequel bois a été clandestinement transporté. « Pire encore, la troisième société, en l’occurrence, la Compagnie forestière Assam (COFA) a déjà, elle aussi commencé, clandestinement, une exploitation massive sur le site de 1000 hectares. A l’heure actuelle, nous comptons l’enlèvement de plus de trente (30) grumiers », s’indignent les ressortissants et forces vives d’Avébé, dans une lettre en date du 07 septembre 2017 demandant l’intervention du ministre des Forêts et de la Faune alors en fonction. Cette société se serait contentée de ramasser les essences prisées abandonnant celles « moins valeureuse », comme le montrent des photos prises au moment des faits.
Un dossier que le ministre NGOLLE Ngwesse avait coté au chef de la Brigade de contrôle. « Le chef de la Brigade de contrôle sur le terrain à notre demande parce qu’une première équipe avait indiqué qu’elle n’avait rien vu de suspect sur les lieux. C’est ainsi qu’une deuxième équipe est venue. Nous avons travaillé sous la pluie et après cette mission, je suis tombé dans un surmenage et je ne pouvais plus me mouvoir »., confie le lieutenant-colonel Emmanuel Afane Mekoua, président du Comité de développement du village Avébé. Lui qui a accepté de prendre sa retraite anticipée dans l’armée pour continuer à suivre ce dossier.
En son temps, le sous-préfet de Djoum, aujourd’hui promu préfet au Cameroun, dans un argumentaire pour sa défense, avait reconnu les faits mais s’était justifié en arguant que toutes les terres et toutes les forêts du domaine national appartiennent à l’Etat qui en dispose comme bon lui semble et qu’aucun village ne doit se plaindre quand ces droits étatiques sont exercés.
Seulement, dans la suite de sa défense, il relève que l’entreprise a indemnisé les populations des deux villages ! Pour quelle raison alors, si les terres n’appartiennent pas aux villageois ? s’interrogent les enfants d’Avébé et Meyos III.
En fait, l’article 7 de la loi forestière de 1994 prévoit que : « l’État, les communes, les communautés villageoises, et les particuliers exercent sur leurs forêts et leurs établissements aquacoles, tous les droits résultant de la propriété, sous réserve des restrictions prévues par les législations foncière et domaniale (…)»
Les engagements climatiques ignorés
La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques dont le Cameroun est partie prenante a intégré la conservation de la forêt dans la lutte contre le réchauffement climatique lors de sa 21ème édition (Cop 21) tenue à Paris en 2015. En outre, le Cameroun qui est un pays du Bassin du Congo, deuxième poumon écologique mondial après l’Amazonie, a accepté de respecter les résolues de ce sommet comme depuis celui de Rio de 1992. Sauf que les engagements climatiques ont été ignorés par l’entreprise du Français Pascal Gérard, encouragée par l’attitude des autorités administratives et traditionnelles qui auraient, à en croire des sources, empoché des sommes importantes d’argent ; soit 192 millions de francs CFA (environ 400.000 dollars USA). C’est ainsi que toutes les étapes du processus ont été brûlées. Car, le code foncier de 1974 prévoit que la cession de terre à une personne physique ou morale dans un domaine national fasse l’objet d’un décret du président de la République déclarant le site d’utilité publique ; ce qui ouvre la voie aux indemnisations des riverains. L’article 17 de la loi-cadre sur l’environnement d’août 1996 prescrit des études d’impact environnemental et social avant tout investissement. Rien de tout ceci n’aurait été observé en dehors des sommes dérisoires versées à certains chanceux.
Les populations d’Avébé et de Meyos III qui disent devoir désormais leur salut à un geste magnanime du chef de l’État Paul Biya, files de ce département, souhaitent être rétablis dans leurs droits. « Comme Ndjilla safari/Rubbercam a choisi de négocier nos terres et nos forêts avec des individus qui n’ont rien à voir avec nos villages, nous attendons qu’ils viennent nous rencontrer pour que nous nous entendions. Le préjudice causé est important ; il a détruit notre forêt même les pieds de Moab et d’autres produits forestiers que nous avons plantés. Que peut l’homme de la forêt sans la forêt ? », s’interroge Franklin Zo’o Zo’o. La loi forestière de du 20 janvier 1994 prévoit que l’autorisation d’enlever le bois issu d’une parcelle déclarée d’utilité publique est signée par l’Administration en charge des forêts. Une source fiable au ministère des Forêts et de la Faune dit ne pas se souvenir d’une telle procédure.
Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987
L’arrondissement de Djoum, dans le département du Dja et Lobo, région du sud, est connu pour sa richesse en ressources naturelles. C’est ici que se trouve la partie sud de la Réserve du Dja, classée patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. Ce qui avait milité pour ce privilège, apprend-on, était qu’à cette date, cet espace, considéré comme l’une des forêts humides les plus vastes d’Afrique, avec 526 000 d’hectares et les mieux protégées ; 90 % de sa superficie étaient alors jugés intacts et la pression humaine y était faible. D’où la présence des entreprises de chasse sportive comme Ndjilla Safari, bien basée dans le nord, précisément à Garoua et ses environs, jusque-là.
« J’ai le cahier de charges et le business plan de la société de chasse. Le Monsieur vient pour la chasse, voit le terrain et s’y installe. Ils ont exploité le bois, ils ont occupé le domaine national de première catégorie en mettant les populations à l’étroit en réduisant notre espace vital de cinq kilomètre à 300 mètres », déplore Emmanuel Afane Mekoua. Ce dernier se souvient de l’ancien bon temps où deux sociétés forestière avaient doté le village Avébé de quelques infrastructures. « Nous avons bénéficié des retombées de l’exploitation forestière durable. Grâce à la redevance forestière un bâtiment a pu être construit à l’école du village ainsi qu’un marché, un centre de santé, une église et le salaire des maîtres des parents. »
En effet, comme le reconnaissent d’autres ressortissants d’Avébé, il y avait une réelle collaboration avec les deux exploitants de l’unité forestière d’aménagement (Ufa), les populations jouissaient effectivement de leur droit d’usages Ce qui avait d’ailleurs amené d’aucuns à penser que les choses seraient pareilles avec Ndjilla Safari/RubberCam.